Retour de l’astronaute David Saint-Jacques le 24 juin : à quoi peut-il s’attendre?
Le 24 juin 2019, un vaisseau Soyouz se posera au Kazakhstan, mettant fin à la mission de six mois et demi de David Saint-Jacques. Avant d’entamer le voyage du retour avec ses collègues Anne McClain et Oleg Konenko, l’astronaute canadien entreprend un dernier sprint.
Pour son dernier mois dans l’espace, il terminera la portion scientifique de ses tâches. Il devra effectuer une série d’expérience sur la santé des astronautes dans l’espace. Il répondra à un questionnaire afin d’étudier la manière dont les astronautes s’y prennent pour se sentir chez eux dans la Station spatiale internationale. Il installera un bionalyseur et un biomoniteur afin d’améliorer la médecine à distance, il recueillera des échantillons afin d’étudier l’effet de l’apesanteur sur la moelle osseuse et le système cardiovasculaire et finalement, il mesurera les radiations neutroniques auxquelles sont exposées les astronautes. Ces études servent de base pour la préparation des missions de longue durée, comme les prochaines missions vers Mars, mais ont également des retombées sur l’avancement de la médecine sur Terre, en particulier pour la pratique de la médecine dans les régions éloignées ou difficiles d’accès.[1]
Quelques jours avant son retour, il sera temps de faire le ménage de sa chambre à bord de la Station spatiale. Cette petite pièce, de la taille d’une cabine téléphonique, doit être complètement vidée et nettoyée à fond avant l’arrivée de son prochain occupant. Les effets superflus sont jetés, comme les vêtements qui n’ont pas été portés. Il pourra emballer les petits effets personnels qu’il veut rapporter avec lui dans le vaisseau Soyouz et le reste de ses effets arriveront plus tard par vaisseau cargo.
Il lui faudra essayer sa combinaison spatiale Sokol qu’il portera pendant le voyage de retour et faire les réglages nécessaires. Il y a également un rituel qui consiste, juste avant de franchir le sas pour la dernière fois, de prendre une photo souvenir avec l’équipage.[2]
Immédiatement après l’atterrissage, le spationaute français Patrick Beaudry a rapporté s’être senti extrêmement lourd et devoir faire attention à chaque geste, car son sens de l’équilibre était très affecté. Son voyage dans l’espace avait duré deux semaines. Après ses 146 jours dans la Station spatiale internationale, l’astronaute canadien Chris Hadfield sentait même le poids de sa langue! Son corps était endolori comme après une intense partie de hockey : il se sentait comme un vieillard.
David Saint-Jacques, qui aura passé plus de six mois et demi en microgravité, pourra s’attendre à ressentir au moins tous ces effets, incluant le sens de l’équilibre qui pourrait l’emmener à se heurter sur les coins, à être étourdi et à avoir de la difficulté à monter les escaliers. Il pourrait avoir un afflux de sang dans les jambes et possiblement des troubles de vision. On compte généralement de quelques jours à quelques semaines pour la réadaptation des astronautes et certains doivent réapprendre à marcher. Selon David Saint-Jacques, vivre en apesanteur, c’est similaire à être alité ici sur Terre. Il dit être parti pour l’espace au sommet de sa forme et s’acquitter de son entraînement physique quotidien (au moins 2 heures) avec l’objectif de pouvoir transporter ses enfants dans ses bras dès son retour sur Terre.
Parmi les effets néfastes des missions spatiales de longue durée, on note le vieillissement des artères et la perte d’environ 1 % de la masse osseuse des astronautes. Cette dernière est irrécupérable.
Les effets sur le corps de Scott Kelly après 340 jours dans l’espace
L’astronaute américain Scott Kelly s’est livré en 2015 à une expérience bien particulière afin d’en apprendre plus sur ce qui arrive au corps humain dans l’espace. Pendant sa mission de 340 jours en orbite et après son retour, il s’est livré à une série de tests et les résultats furent comparés à ceux de son frère jumeau, Mike Kelly, astronaute retraité de la NASA. Puisque ces derniers possèdent le même ADN, alors tout changement entre Scott et Mike est dû au séjour dans l’espace.
Une première partie des résultats est sortie en avril 2019 dans un immense article de 90 pages de la revue Science. On y apprend que le système immunitaire de M. Kelly est en alerte, même trois ans après son retour : des milliers de gènes ont augmenté leur rythme. Une partie de ses chromosomes, qu’on appelle télomères, ont allongé, alors qu’on se serait attendu à ce qu’ils raccourcissent sous l’effet du stress et du vieillissement accéléré du corps dans l’espace. Ces résultats sont encore mystérieux et il faudra étudier le même phénomène chez d’autres astronautes avant de tirer des conclusions.
Scott Kelly a été exposé pendant son voyage à 48 fois plus de radiations que s’il était resté sur Terre. L’exposition à ces radiations entraîne des mutations génétiques qui augmentent les risques de cancer et ce, pour toute la vie de l’astronaute. Un voyage vers Mars imposerait aux astronautes 8 fois plus de radiations que ce qu’a subi Scott Kelly.
Finalement, les résultats aux tests cognitifs de M. Kelly se sont détériorés, même six mois après son retour sur Terre. Cela pourrait être dû à un manque de motivation après la mission ou à un effet réel de son voyage.
Source de l’image : ASC / NASA
Légende de l’image : l’astronaute David Saint-Jacques avec les tubes qui servent à mesurer le rayonnement neutronique dans le cadre de l’expérience Radi-N2.
Sources :
Sprint d’expériences canadiennes dans la dernière ligne droite de la mission de David Saint-Jacques, 24 mai 2019, https://asc-csa.gc.ca/fra/iss/nouvelles.asp , consultée le 29 mai 2019
Conférence vidéo de David Saint-Jacques du 24 mai 2019 https://www.facebook.com/Agencespatialecanadienne/videos/292284798323569/
Kelly, S., Lazarus Dean, M. (2018) Mon odyssée dans l’espace. Les éditions de l’Homme
Rochon, Michel. « Difficle retour sur Terre pour Chris Hadfield » Radio-Canada, 16 mai 2013, https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/614049/chris-hadfield-astronaute-retour-terre-sante, consultée le 29 mai 2019
« Retour sur Terre ardu pour l’astronaute Chris Hadfield », La Presse canadienne, 3 mars 2016, https://www.ledevoir.com/societe/science/378367/retour-sur-terre-ardu-pour-l-astronaute-chris-hadfield, consultée le 29 mai 2019.
Le Gal, Thibault, « Nous, les astronautes, lors d’un retour sur Terre, on se sent extrêmement lourd», 10 juin 2015, https://www.20minutes.fr/sciences/1628359-20150610-espace-astronautes-lors-retour-terre-sent-extremement-lourd , page consultée le 29 mai 2019
Dufour, Audrey, « Comment se déroule le retour sur terre de Thomas Pesquet ? », 1er juin 2017, https://www.la-croix.com/Sciences-et-ethique/Sciences/Comment-deroule-retour-Terre-Thomas-Pesquet-2017-06-01-1200851713, consultée le 29 mai 2019.
[1] Source : Sprint d’expériences canadiennes dans la dernière ligne droite de la mission de David Saint-Jacques, https://www.asc-csa.gc.ca/fra/iss/nouvelles.asp?utm_source=website&utm_medium=news&utm_campaign=iss-news&utm_content=experiences-canadiennes&utm_term=page-mission#20190524
[2] Source : Kelly, S., Lazarus Dean, M. (2018) Mon odyssée dans l’espace. Les éditions de l’Homme